Ou Copil GIZC pour les initiés. Nous arrivons avec quarante minutes d'avance et heureusement car le système de vidéo-projection ne fonctionne pas. Ni projecteur, ni écran. Et le carton avec les documents à faire passer est resté à l'agence. Après avoir réglé tous ces problèmes, nous attendons encore des élus, qui sont toujours les derniers à arriver, paraît-il. L'un d'eux demande ce qu'on fait là. Il s'agit d'une réinstallation du comité afin de maintenir la dynamique. AudéLor présente les comptes-rendus des ateliers qui ont eu lieu l'année dernière avec les acteurs (environ 70) sur les problématiques maritimes. Plutôt que de produire un diagnostic, AudéLor a préféré consulter un maximum d'acteurs et se faire croiser leurs avis. Stratégie Mer et Littoral (SML), une équipe d'experts nationaux, présente un premier travail d'analyse sur le territoire du Pays de Lorient.
Cette année doit voir la création d'un projet d'aménagement et de développement durable (qui est aussi une vision politique). L'Etat, la région et l'agglomération sont représentés et co-auteurs de la démarche. La GIZC a été initiée par l'Europe et a bien été appliquée au niveau national puisque presque tous les territoires ont pris des initiatives. En Pays de Lorient, l'approche est très globale, ce qui permet d'englober beaucoup de problématiques. Le challenge est de faire se croiser tous les regards. Une bonne chose : sur le sujet maritime, les acteurs sont déjà mobilisés. L'Etat et la région terminent leur suivi de la GIZC en Pays de Lorient en juin. De leur point de vue, le littoral et l'hinterland partagent des enjeux et c'est pour cette raison que la GIZC doit être intégrée au SCoT.
Les ateliers ont abouti à des grilles AFOM (SWOT en anglais) sur six thèmes. Les grilles complètes sont dans le document distribué mais les points essentiels sont repris à l'oral. Il y a quelques réactions. Sur l'eau, le problème de la qualité est à traiter en amont (au sens hydrographique). Les acteurs de la mer présents ne se sentent pas concernés tant que le monde agricole n'a pas fait l'effort qu'on attend de lui (azote, polluants). Pour autant, il est nécessaire d'avoir des objectifs partagés. Une remarque du représentant de la DCNS : il ne faut pas négliger l'international dans la vision des problématiques. Lorient est plus proche de l'Angleterre que de Paris. De part et d'autre, les acteurs déplorent le millefeuille règlementaire et demandent une gouvernance. Observation de la DDTM : les acteurs réunis produisent de la gouvernance, inutile de rajouter une couche au-dessus.
La présentation du groupement d'experts SML suscite des réactions bien plus vives. Il y a d'abord explication de la méthodologie. Le paradigme a changé. Avant, le territoire voyait la mer à travers le port; plus récemment, à travers les acteurs maritimes. Aujourd'hui, le territoire est à même de prendre des bouts de mer et de les intégrer. Contrairement à la plupart des villes-ports, Lorient est liée avant tout aux ressources lointaines (Compagnie des Indes). Ce sont ces ressources qui peuvent faire partie du territoire. L'analyse a concerné quatorze thèmes, dont deux sont présentés succinctement : le transport maritime et la pêche. Aujourd'hui, Lorient n'est pas un port continental (il est trop "loin" du continent) mais régional (au sens de la région géographique). C'est une plateforme logistique. Les marchandises sont de faible valeur (vrac) et il n'y pas ou peu de transformation sur place, ce qui ne leur ajoute pas de valeur. Il n'y a pas non plus de consommation sur place. Les experts concluent donc que le transport maritime n'est pas lié à la "maritimité" à Lorient. En somme, ce n'est pas une activité naturellement inhérente au territoire. Ce dernier n'a donc pas de levier. La présence de l'activité de transport maritime à Lorient aujourd'hui ne dépend que d'aléas externes. C'est un point essentiel qui ne sera pas compris et qui mènera à l'accrochage.
Sur la pêche, activité historique de Lorient, le constat était également décapant. C'est ce qui n'a pas plu aux élus, ainsi qu'à plusieurs acteurs présents. Il a été soutenu que la pêche faisait partie du patrimoine lorientais, et qu'il était absurde de remettre en cause l'évidence stratégique de l'activité. L'un des élus, vice-président de l'agglomération était anciennement président de Scapêche, la plus grosse entreprise de pêche industrielle à Lorient. Pour lui, il était stupide de faire la distinction entre pêche de haut fond et pêche côtière. Outre le constat de ce diagnostic qui était présenté (de manière superficielle), il est même allé jusqu'à contester les chiffres. A ce stade, il faut mentionner qu'une association nommée Blue Fish, créée en 2013 et soutenue par des fonds publics, fait à Bruxelles du lobbying pour préserver la pêche de haut fond à Lorient. Or c'est ce qui illustre justement l'avis des experts. L'existence même de cette activité dépend de facteurs externes, en l'occurrence l'Europe, et de facteur politiques, en l'occurrence Blue Fish. L'enjeu n'est donc pas à proprement parler "maritime" pour Lorient. Les élus ne l'ont pas entendu de cette oreille et ont refusé toute remise en cause de la pêche industrielle. Le président de l'agglomération a fini par demander textuellement à quoi servait une équipe d'experts.
La posture de SML est délicate à expliquer et c'est sans doute à cette étape que le problème s'est créé. Par ailleurs certaines remarques plus légitimes (à mon avis) ont été relevées. D'une part, que certains documents ayant servi à l'analyse n'étaient peut-être pas très récents ou suffisamment complets. D'autre part, qu'une approche déconnectée, par les chiffres, ne favorisait pas une vision systémique des enjeux. Les activités sont toutes liées entre elles. De plus, il y a une culture, un capital humain... Si la pêche industrielle n'est pas maritime, le savoir-faire (qui permet la logistique) l'est bel et bien.
Bref, la suite du travail comprendra au cours de l'année l'élaboration de trois scénarios dans lesquels les décideurs pourront piocher des éléments (au premier semestre), et du choix d'un plan d'action (second semestre).